Sculpture de plain-pied

 

«Les promenades et les cartes topographiques m’ont donné l’espace dont j’ai manqué dans la peinture. Dans les récits de l’écrivain autrichien Peter Handke, les personnages ne reviennent jamais tout à fait à leur points de départ. Le temps a coulé et le lieu du retour est, pour ses récits de la périphérie, ce que l’horizon est au promeneur: une ligne de fuite, une rumeur du lointain, un recommencement. Je me sens également pour ma part affranchi de l’obligation d’un retour, l’espace n’ayant point de centre ni d’origine – exceptés des points de fuite, certainement.

Une « pensée des alentours » a pris corps dans la sculpture, me rendant accessible un espace de plain-pied où s’inscrit le corps du marcheur et le temps de la marche. Cet espace, de nature absolument contraire à l’«espace-cube » – abstrait et indifférent à toute forme – l’est aussi des socles: ces petits degrés immaculés – ou escabeaux de valeur – qui ne manquent ni de hauteur ni de pittoresque. J’en ai fait usage et c’est encore occasionnellement assez déprimant.

sculpture structure autotendante la pente des eaux

La sculpture prend place dans un espace-corps en mouvement et partage avec le promeneur le temps du paysage parcouru.

« Enfin, j’ai du temps!».

Ma pratique artistique se concentre aujourd’hui autour de l’installation d’œuvres de grandes dimensions dans des contextes paysagés souvent complexes – qu’ils soient urbains ou ruraux – à l’occasion de ma participation à des parcours artistiques.

Parmi elles les Pièces d’ébullition sont une famille de sculptures de grandes dimensions, composées de bâtons et de câbles d’acier tendus, construites sur des principes d’équilibre et de compression. Elles m’inspirent aussi des Barrages, un Grand Ligneux, une Hydre, des Giclées et le projet en cours de La pente des eaux qui réunit un ensemble d’embarcations.

Je m’embarque sur la ligne de partage des eaux, entre deux bassins versants. Au sommet des collines, des monts, des cols, une œuvre de plain-pied cède aisément son socle. La lecture des cartes topographiques et des chemins a remplacé celle de l’histoire de l’art et de l’esthétique. Avec La pente des eaux, je me déplace vers d’autres seuils d’écoulement où le sens abonde néanmoins par les déclivités multiples du terrain et la profusion des obstacles.»

Xavier Rèche, novembre 2018