Festival des bords de Vire, 2ème édition

Pièce d'ébullition6

« Éternel maintenant » Anaëlle Pirat-Taluy, 2014

« Nunc stans, le temps arrêté, j’en fais toujours l’expérience,
même à un moment où je suis capable de critique à l’égard
de moi-même; je deviens capable d’arrêter l’habituel flux de
pensées et de me tenir enfin, pour une fois, en dehors.
Pendant cet instant, ce que je désire devient possible et mon
esprit s’amplifie dans la distance. »


« Trois structures – l’une élevée, l’autre en oblique, la dernière plongeante – surgissent des bords de la rivière et semblent en suspens au-dessus de l’eau. Ces projections de brides de bois assemblées, souples, fluides et en équilibre, ressemblent à des flux de particules recrachées depuis la berge et figées subitement dans leur mouvement.
Du milieu du Pont de la Roque, nous pouvons percevoir les trois Giclées construites par Xavier Rèche, parfois à peine visibles, parfois se détachant nettement sur le fond vert des arbres selon l’heure du jour. L’artiste les a placées en fonction de l’inclinaison du paysage dont il a observé au préalable les continuités et les ruptures, le dessin et la composition. En disposant ces structures à la fois inertes et tendues au-dessus de la rivière, il a réalisé une composition fluctuante et ouvert un nouveau point de vue sur cet espace en mouvement qu’est le paysage. La rivière s’écoule, les branchages frémissent et changent de couleurs, la lumière crée de nouveaux reflets, les gens sont en promenade sur le chemin, et dans ce paysage remuant, esquissant ce plongeon au-dessus de la rivière, les Giclées sont comme fixées dans le temps, Ce flux de particules évoquant une substance inconnue, c’est la projection des pensées de l’artiste sur le paysage Ces pensées qui entrent en tension, qui s’élancent et soudain se rétractent et se figent, Xavier Rèche tente, par la forme plastique qu’il emploie, d’en capter l’élan créatif. Les Giclées seraient la représentation instantanée et fragmentaire de ce déferlement qui survient dans les pensées avant la conception d’une œuvre C’est donc une œuvre de passage, en fuite, qui exprime l’énergie de la création et en même temps sa dissolution inévitable, que l’on voit surgir de chaque côté de la rive, « Toute expérience de l’espace procède d’un rapport au temps », nous dit l’artiste. Ainsi, cette manière de jouer avec le mobile et l’immobile, les flux, les ruptures et les modulations infinies de l’espace, nous fait plonger dans un autre temps. Un temps d’arrêt où pourtant tout s’écoule autour de nous, une interruption sur la ligne continue de l’existence. L’instant d’être là, l’éternel maintenant. (…)»

catalogue du Festival des bords de Vire 2ème édition, Usine Utopic, 2014.

6 Peter Handke, L’Histoire du crayon, 1982